Communautés métisses : appartenance(s) et mobilité(s)

Nicole St-Onge (Université d’Ottawa) et Étienne Rivard (Université de Saint-Boniface)

Ce projet en deux volets examine la genèse et le développement de populations franco-amérindiennes catholiques occupant les bassins hydrographiques des Grands Lacs et de la baie d’Hudson. Ces deux régions sont reliées entre elles par une circulation pelletière ayant Montréal comme métropole. Cette circulation repose sur un vaste système hydrographique qui s’articule autour de deux grands relais, soit celui du Grand Portage (dans le Minnesota actuel) et celui du Fort William, ce dernier étant situé à l’embouchure de la rivière Kaministiquia (Ontario). Ces deux portages permettaient le transfert de marchandises et de populations du versant est au versant ouest du partage des eaux laurentien.

L’objectif général de cette recherche est de documenter l’évolution de communautés franco-amérindiennes catholiques de l’Amérique du Nord en se concentrant sur deux d’entre elles historiquement liées par le commerce des fourrures – et donc semblables sur les plans socio-économique et culturel – et de voir si, malgré cela, la ligne de partage des eaux constitue ou non un facteur de différenciation. Ultimement, nous voulons identifier dans le temps et dans l’espace les migrations possibles entre ces communautés et évaluer les liens qui existent entre elles.

Les travaux de recherche se répartiront en deux volets et les deux chercheurs principaux formeront chacun une équipe.

Volet 1 : Étienne Rivard et son équipe de Saint-Boniface cibleront le recensement de 1850 comme point de départ à une analyse de l’ensemble du territoire du Minnesota, et plus spécifiquement pour la région du Dakota du Nord actuel, laquelle est connue historiquement sous le nom de Pembina.

Volet 2 : Nicole St-Onge et l’équipe d’Ottawa se pencheront sur la région de la baie de Chequamegon et la communauté franco-amérindienne de Lapointe, située sur l’ile Madeline dans le bassin sud du lac Supérieur. Le point de départ sera le même que pour l’équipe de Saint-Boniface – le recensement américain de 1850 qui énumère 74 familles franco-amérindiennes résidant à Lapointe, Wisconsin.

La recherche prévoit une recherche latérale et intergénérationnelle de ces familles franco-amérindiennes pour mesurer le degré de persistance dans le temps de ces communautés et voir si elles s’assimilent aussi rapidement que le suggèrent les sources publiées. En ce qui a trait à la région des Grands Lacs,  il s’agira de réévaluer la thèse aujourd’hui dominante selon laquelle l’ethnogenèse métisse n’aurait jamais eu lieu dans les communautés telle Lapointe, issues du commerce des fourrures axé sur Montréal. Enfin, l’objectif sera de mieux saisir, s’il y a lieu, les liens existants entre ces deux régions et communautés, mais aussi avec le cœur des réalités métisses en Amérique du Nord au XIXe siècle, soit la colonie de la Rivière-Rouge, laquelle devient la province du Manitoba en 1870.

Cette recherche permettra des avancées qui cadrent dans l’objet même du projet de partenariat dans son ensemble. D’abord, la recherche sera l’occasion de développer des outils méthodologiques permettant d’éclairer des phénomènes socioculturels peu connus du fait de leur relative invisibilité dans la plupart des sources documentaires, lesquelles s’avèrent sensibles aux idéologies raciales et coloniales des sociétés euro-américaines dominantes sur les territoires canadiens et américains. L’identification des familles franco-amérindiennes, l’analyse de leurs comportements résidentiels et migratoires qui traduisent peut-être une ségrégation spatiale, ainsi que l’observation fine des leurs structures complexes de parenté sont, en effet, des méthodes complémentaires d’investigation pouvant servir à l’identification de réalités culturelles vivantes et distinctes.

La recherche servira en outre à produire un ensemble de données originales et exploitables de ces réalités métisses par le jumelage des données de recensements successifs (aspects longitudinaux de l’étude) et par celui entre les différents recensements nominatifs et les échantillons « familiaux » que nous développerons. Enfin, cette recherche produira une cartographie originale et doublement pertinente : d’une part, elle mettra en évidence l’importance des jeux d’échelle dans l’articulation des réalités métisses, des faits migratoires et de circulation culturelle; d’autre part, elle sera cruciale pour mettre en valeur la contribution à ce projet des partenaires patrimoniaux comme la Société historique de Saint-Boniface.