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Trois siècles de migrations francophones en Amérique du Nord (1640-1940)
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Réalisées par les membres et partenaires du projet Trois siècles de migration francophone en Amérique du Nord (1640-1940) Éva Guillorel, Robert Bouthillier et par Yvon Davy et Étienne Lagrange de l’association La Loure (Musiques et Traditions Orales de Normandie), les notices suivantes nous invitent à découvrir quatre chansons de tradition orale et leurs évolutions au gré des circulations humaines entre la Normandie et l’Amérique du nord.

Quatre chansons, quatre notices

Biquette

La mort du colonel

Adieu, Nanon Nanette

Le pâté de Rouen

Biquette

Que ce soit en Normandie, dans les autres régions françaises ou en Amérique francophone, il faudrait sans doute chercher longtemps pour trouver quelqu’un né avant les années 1980 qui n’a jamais chanté, fredonné ou entendu chanter la « randonnée » (chanson énumérative récapitulative dans laquelle chaque couplet s’augmente d’un ou plusieurs éléments) de la chèvre têtue qui ne veut pas… mais ne veut pas quoi, au juste ? Parce que cette chanson, sous un aspect qui, à première vue, pourrait paraître quelque peu dérisoire, voire enfantin, et qu’on aurait tendance, si on n’en connaît qu’une seule version, à considérer comme une rengaine figée dans une litanie répétitive invariable, présente au contraire des variantes innombrables aux éléments parfois étonnants. Conrad Laforte n’en recense pas moins de 150 versions dans son Catalogue de la chanson folklorique française (Biquette, IV.Lb-01, équivalant au n°10309 du catalogue Coirault sous le titre Biguette n’veut pas sortir des choux), ce qui ne correspond qu’à une partie des versions réellement collectées.

D’entrée, il faut savoir que cette chanson s’inscrit dans un ensemble international de récits du même type dans lequel le premier protagoniste – qui n’est pas nécessairement une chèvre – refuse d’obéir à une injonction, refus qui entraîne un enchaînement de demandes, toutes refusées par les objets, les animaux ou les personnes sollicités pour contraindre le protagoniste précédent. Jusqu’à ce que finalement, un ultime « personnage » accepte de forcer le dernier à avoir refusé la demande de s’exécuter et de contraindre le précédent, et ainsi de suite jusqu’à ce que le premier protagoniste obéisse enfin à l’injonction préliminaire.

Ce récit chanté a été recueilli dans de nombreux pays et dans des univers linguistiques très éloignés les uns des autres. Dans plusieurs études publiées entre 1890 et 1910 dans la Revue des traditions populaires, René Basset et Édouart Montent en mentionnent des versions algériennes, néerlandaises, bulgares, wallonnes, allemandes, suisses, italiennes et thaïlandaises, tandis que Jozef Cornelissen ajoute une version contée recueillie à Zanzibar qui reprend le même système narratif. Une autre version racontée a été recueillie et publiée en langue bretonne en 1890 par François-Marie Luzel dans le premier tome de ses Soniou Breiz-Izel. Notre chèvre francophone n’est donc qu’un avatar parmi des dizaines d’autres qui sont attestés aux quatre coins de la planète dans des dizaines de langues différentes.

Trois versions francophones – l’une en Normandie, l’autre en Acadie et la dernière au Manitoba – ont été retenues ici pour illustrer les circulations culturelles entre France et Amérique francophone, en soulignant à la fois les parentés, mais aussi les différences qui ne sont pas qu’anecdotiques.

Collection Étienne Lagrange et Michel Louvel, La Loure, non référencé.

L’enregistrement de Paulette Grandcamp, réalisé à Saint-Georges-de-Vièvre (département de l’Eure) en 2009 par Étienne Lagrange et Michel Louvel, met en scène Biquette qui ne veut pas garder les choux. D’autres versions recueillies en Normandie présentent une histoire similaire avec des variations sur le nom de la chèvre : il s’agit de Bichette dans la version de M. Chaudria à Saint-Aubin-sur-Quillebeuf, ou de Bouqui-Bouquin dans celle de Mme Bénard à Rouen.

Cette chanson s’enracine dans une histoire longue des collectes en Normandie et dans d’autres régions de France. En 1853, les Instructions relatives aux poésies populaires de la France destinées aux correspondants de la grande enquête nationale sur les « Poésies populaires de la France », mentionnaient la recommandation suivante : « Tout chant contenant une formule d’incantation, une allusion à des superstitions plus ou moins bizarres, devra également être recueilli avec soin. Tel est le Conjurateur et le Loup, envoyé au comité par M. Friry, correspondant à Remiremont, qui se retrouve dans plusieurs parties de la France. Dans ce singulier morceau, les divers éléments sont successivement évoqués comme dans les runes scandinaves ou finnois : ils se refusent à l’action de l’homme, et n’agissent que quand le diable paraît. Le fond de ce chant étrange doit être fort ancien. »

L’année suivante, Saint-Ange Plet, inspecteur primaire de l’arrondissement de Falaise (Calvados) adressait au Comité de la langue, de l’histoire et des arts de la France une variante de ce chant accompagné de ce commentaire : « Mes souvenirs d’enfance, confirmés par ceux d’un grand nombre de personnes de la Beauce, du Gâtinais, de la Mayenne, de l’Orléanais, de l’Île-de-France et de la Normandie, me portent à considérer le chant précité comme éminemment national. La version suivante paraît compléter celle qu’a recueillie Mr Friry dans les Vosges. Ce n’est plus un loup, mais un Bouc, émissaire peut-être, si le morceau remonte à Moïse, qu’il s’agit de chasser d’un jardin où il s’est réfugié. Chien, loup, bâton, feu, eau, bœuf & boucher ne veulent prêter leur concours au sorcier qu’à l’apparition du diable qui les effraie. Voici le morceau tel que je l’ai chanté bien souvent moi-même étant jeune. » La théorie sur une haute antiquité de cette chanson remontant à la Bible n’est aujourd’hui plus recevable, mais a eu le mérite d’attirer l’attention des collecteurs sur cette chanson depuis le XIXe siècle.

Texte envoyé par Saint-Ange Plet à l’enquête sur les « Poésies populaires de la France », Bibliothèque nationale de France, t. II, ms. Fr 3339, p. 14v-15r.

Cette variante est d’autant plus intéressante qu’elle est accompagnée d’un relevé musical, ce qui est assez rare dans les manuscrits rassemblés par le Comité de la langue, de l’histoire et des arts de la France (moins de 10% des chansons qui y ont été versées).

Texte de la chanson « On s’en va chercher la chêvre (les béquis les bécas) » chanté par Paulette Grandcamp à Saint-Georges-du-Vièvre (France) en 2009.

Chanson recueillie le 18/04/2009  par Etienne Lagrange et Michel Louvel

Passée en Amérique du Nord en accompagnant les populations qui s’y sont installées au fil des siècles, la chanson s’est diffusée dans toutes les régions où des francophones ont fait souche. Elle s’est alors renouvelée au contact d’un nouveau territoire et sous l’influence des nouvelles cultures côtoyées. En témoigne la version recueillie auprès de Laura McNeil (née Pothier) à Pubnico-Ouest, sur le littoral sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Cette fille de chanteuse devenue institutrice a livré de nombreuses chansons du répertoire familial à la collectrice américaine Helen Creighton, qui l’enregistre ici en 1948 à l’âge de 42 ans.

Collection Helen Creighton, publiée dans les Chansons acadiennes de Pubnico et Grand-Étang […]. Édité par Ronald Labelle, Helen Creighton Folklore Society & Chaire de recherche McCain en ethnologie acadienne, 2008, p. 77 et piste 32.

Sa version de « Bichet » qui a mangé les choux est bien en français, témoin de l’héritage linguistique de ce village acadien fondé en 1653 et qui fait aujourd’hui partir d’une petite enclave francophone en milieu anglophone majoritaire. Mais la prononciation, la mélodie et le style d’interprétation rapprochent la chanson de l’esthétique musicale du répertoire gaélique qui a fortement imprégné la culture de cette région.

En Louisiane, la référence au personnage de « Bouqui » confère à la chanson une nouvelle connotation en créant une association avec les grands cycles animaliers des contes largement diffusés de Compère Lapin et Bouki, le bouc bête et dupé, qui sont des variantes régionales des récits que l’on retrouve dans le Roman de Renart en Europe, mêlés à l’héritage africain de Bouki, l’hyène des contes sénégambiens qui a voyagé jusqu’aux Antilles et en Louisiane en accompagnant les migrations forcées d’esclaves en Amérique.

Laura Irène McNeil                    Laura et sa fille Marie Catherine

Collection Helen Creighton, publiée dans les Chansons acadiennes de Pubnico et Grand-Étang […]. Édité par Ronald Labelle, Helen Creighton Folklore Society & Chaire de recherche McCain en ethnologie acadienne, 2008, p. 77 et piste 32.

La diversité des variations autour du thème en Amérique du Nord est remarquable. Outre la chèvre aux noms multiples – qui reste l’animal le plus fréquent –, le protagoniste est aussi parfois un bébé qui ne veut pas dormir, un cochon, un loup ou une loutre qui ne veut pas sortir de son trou. C’est ce dernier animal qui apparaît dans la version manitobaine collectée en 1976 par Christian Chauvot auprès de Mme Lagacé à Saint-Boniface.

Collection Christian Chauvot, AFEUL, enregistrement n°12.

L’enchaînement des objets et personnages qui ne veulent pas faire l’action demandée est aussi très varié, avec des animaux (loup, chien, veau, mouton, rat), des objets (bâton, couteau, fouet), des hommes exerçant des métiers (boucher, bourreau, juge), des éléments (feu, eau, et même du whisky qui ne veut pas saouler le boucher dans une version gaspésienne !) jusqu’à la présence de Satan lui-même dans une version québécoise de la région de Drummondville. L’élément déclencheur du renversement de l’action, qui va permettre d’exécuter toutes les demandes à rebours, réserve là aussi de nombreuses surprises, avec la présence d’objets (fusil, couteau), d’animaux (chat, bœuf) mais surtout d’êtres humains ou surnaturels qui ont le pouvoir d’inverser le cours de l’action, tels que le diable, un ange, ou carrément la mort en personne.

Texte de la chanson « La loutre » chanté par Mme Lagacé à Saint-Boniface au Manitoba (Canada) en 1976.

AFEUL, coll. Christian Cheauvot, enregistrement n° 11

 

Ce projet de partenariat est financé par

Contact

Coordonnatrice: Diane Pellerin

CoordinationTSMF@ustboniface.ca

Équipe du CIEQ

Tomy Grenier

Émilie Lapierre Pintal

Sophie Marineau

Équipe du partenariat TSMF

Thierry Simonet (Webmestre)

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