Cause ou conséquence? Les migrations francophones à l’intérieur et à l’extérieur du Québec du point de vue de la démographie historique (1621-1851)

Lisa Dillon (Université de Montréal)

Le Programme de recherche en démographie historique (PRDH) s’est surtout concentré sur deux champs d’études : d’une part, la démographie historique des populations québécoises des 17e et 18e siècles et, d’autre part, les structures des ménages et le vieillissement dans les familles canadiennes du 19e et du début du 20e siècle. Ce projet offre une occasion de jeter un pont entre ces deux domaines, avec un accent sur la première moitié du 19e siècle. Notre étude historique à trois volets propose d’examiner :

La structure de la migration interne au Québec, y compris l’ampleur, les orientations et la nature des flux migratoires des débuts de la colonisation jusqu’en 1849

À partir des lieux d’enregistrement des actes paroissiaux au cours de chaque parcours de vie, que peut-on apprendre sur les mouvements migratoires plus ou moins importants effectués de la naissance à la mort ? Quels facteurs sont associés à ces mouvements ? Dans quelle mesure la scission des paroisses (en réponse à l’augmentation de la population) nous empêche-t-elle d’appréhender les flux migratoires ? Comment pouvons-nous tenir compte des changements purement administratifs ? Une analyse préliminaire indique que les femmes avaient tendance à se déplacer fréquemment au cours d’une vie, car un tiers d’entre elles ont enregistré la naissance de leur premier enfant dans une paroisse différente de celle de leur mariage.

Des profils de personnes migrantes au début du 19e siècle

Pendant une période où l’exode rural et la migration hors province s’accélèrent, quels types de personnes participent aux flux migratoires vers les villes ou vers des destinations à l’extérieur du Québec ? En créant une base de données à partir du recensement du Québec de 1831 et en couplant ces données à celles des registres paroissiaux catholiques du Québec, nous sommes en mesure de comparer les caractéristiques des ménages et les caractéristiques économiques des personnes qui ont déménagé et de celles qui sont restées.

La vie et les micro-migrations transfrontalières au début du 19e siècle

Quel était le profil des premières populations migrantes canadiennes-françaises à traverser le fleuve Saint-Laurent et la rivière des Outaouais pour s’établir dans les paroisses limitrophes de l’Ontario (Haut-Canada/Ouest du Canada/Ontario), du Vermont, du Maine et de l’État de New York ? Dans quelle mesure les familles se déplaçaient-elles d’un côté à l’autre de la frontière ontarienne ou américaine ? Comment les familles se sont-elles configurées puis reconfigurées au fil du temps ? Dans ce processus, quelles étaient les dynamiques temporelles (ou autres) ? Quel était le rôle des proches dans le processus de migration en chaîne? Nous constatons un effet boule de neige ou de rétroaction dans ce processus, en fonction duquel les personnes migrantes sont de moins en moins sélectionnées au fil du temps. Cet effet influence-t-il les résultats des migrations ?

La quasi absence de recherches sur cette période s’explique par la pénurie de données disponibles. Grâce aux récentes avancées réalisées par les groupes de recherche du PDRH, du projet BALSAC et de l’IMPQ, une version numérisée du recensement du Québec de 1831 ainsi que des données longitudinales de registres paroissiaux jumelées jusqu’en 1849 sont maintenant disponibles. Nous proposons d’utiliser ces données en combinaison avec les micro-données complètes du recensement canadien, nouvellement disponibles (et consultables depuis 2021) dans le cadre du projet The Canadian Peoples (en collaboration avec Ancestry.ca). Notre partenaire de recherche, l’Institut généalogique Drouin (IGD), a mis à la disposition du PRDH des transcriptions de registres paroissiaux catholiques pour plusieurs paroisses situées en Ontario ainsi que dans le Vermont, le Maine et l’État de New York. Le PRDH travaille également avec FamilySearch afin d’obtenir ses versions des index des recensements canadiens, dans lesquelles les transcriptions des noms et prénoms peuvent s’avérer de meilleure qualité que celles effectuées par Ancestry dans les bases de données des recensements du  projet « Les populations canadiennes ».

La première phase de l’étude s’appuiera sur le Registre de la population du Québec ancien (RPQA) et les bases de données des registres paroissiaux de l’IMPQ. Ensuite, nous jumellerons les données du recensement du Québec de 1831 à celles des registres paroissiaux. La dernière partie de l’étude reposera sur une étude pilote qui fera le lien entre un certain nombre de paroisses de l’Ontario, du Vermont, du Maine et de l’État de New York, d’une part, et des registres paroissiaux catholiques du Québec déjà transcrits et jumelés, d’autre part.