Mobilité et sédentarité dans l’Amérique française préindustrielle : voyageurs et laboureurs au Détroit du lac Érié (1734-1854)

Guillaume Teasdale (University of Windsor)

Cette recherche s’inscrit dans le prolongement d’un projet intitulé « Aller faire souche au-delà des limites de la vallée laurentienne : l’émigration ‘‘canadienne’’ vers les Grands Lacs à l’ère préindustrielle (1760-1840) », soutenu par une Subvention de développement Savoir (2016-2018). Dans ce projet, il est démontré que l’émigration canadienne-française du Québec ne commence pas avec la construction des chemins de fer dans le nord-est de l’Amérique du Nord (y compris le Midwest) au milieu du XIXe siècle. En fait, elle commence beaucoup plus tôt, car des facteurs de répulsion sont déjà en place dans plusieurs seigneuries de la vallée du Saint-Laurent au début du XIXe siècle. Cette émigration précoce, liée au monde fluvial français de l’Amérique du Nord préindustrielle qui s’est développé avec l’expansion de la traite des fourrures au XVIIe siècle, relie le Québec avec la région des Grands Lacs, où s’installent des centaines de familles canadiennes-françaises entre 1760 et 1840. Dans le cadre du projet TSMF, il s’agira d’approfondir davantage nos connaissances sur cette émigration du Québec vers le Détroit du lac Érié, mais aussi du Détroit du lac Érié vers certaines régions périphériques à l’intérieur de la région des Grands Lacs.

En 1825, année de l’achèvement du canal Érié qui relie désormais Boston et New York au Midwest, il y aurait déjà plus de quatre mille paroissiens catholiques dans le sud-est du Michigan (comtés de Wayne, Monroe, Macomb et St. Clair ; toujours les seules parties du territoire morcelées à l’époque) et que presque tous sont des Canadiens français répartis entre quatre paroisses, dont la plus ancienne, et de loin la plus importante, est celle de Sainte-Anne de Détroit, fondée en 1701. En ce qui concerne la rive canadienne de la rivière Détroit (comté d’Essex, Ontario), on observe également une forte présence canadienne-française en 1830 ainsi qu’un ressemblance entre l’organisation territoriale des établissements (de longues et étroites bandes de terre alignées perpendiculairement à la rivière Détroit) et les seigneuries de la vallée du Saint-Laurent.

Comme dans la vallée du Saint-Laurent, les Canadiens français du Détroit du lac Érié ont des familles nombreuses, comprenant souvent plus de dix enfants qui atteignent l’âge adulte. Dans les années 1820 et 1830, il n’est plus possible pour les jeunes générations de trouver des terres le long de la rivière Détroit ou de toute autre rivière avoisinante. Au-delà de ces anciennes fermes, les autorités américaines et britanniques optent pour un découpage du territoire en townships (où chaque propriété a la forme d’un carré), afin de ne pas perpétuer l’organisation canadienne-française du territoire. De nombreux jeunes Canadiens français s’installent dans ces townships. Ainsi, au cours des années 1820 et 1830, certaines jeunes familles du côté américain de la frontière migrent vers le nord et s’installent où se trouve actuellement la ville de Flint, tandis que du côté canadien de la frontière plusieurs familles migrent vers l’est et s’installent sur des terres le long du lac Sainte-Claire.

Lors de ces micro-migrations, les macro-migrations en provenance du Québec ne s’effacent pas et la recherche que nous proposons se concentre sur ces deux types de migration. Cette recherche mènera à la rédaction d’articles savants, dont au moins un sera rédigécoécrit avec William Chassé, doctorant en histoire à l’Université Laval. Dans le contexte du projet TSMF, nous terminerons également la rédaction d’une monographie pour les Éditions Prise de Parole, intitulée Mobilité et sédentarité dans l’Amérique française préindustrielle : voyageurs et laboureurs au Détroit du lac Érié, 1734-1854.