Présence et évolution des communautés métisses et canadiennes-françaises du Dakota du Nord (1730-1930)
Yves Frenette (Université de Saint-Boniface) et Étienne Rivard (Université de Saint-Boniface)
Entre 1840 et 1930, près d’un million de Canadiens français ont quitté le Québec pour se rendre aux États-Unis. Moins de la moitié sont revenus au Québec. Ce phénomène migratoire, cette saignée démographique qui a touché le Québec et marqué son évolution a été depuis les trente dernières années largement étudié.
Cette étude propose d’attirer l’attention sur une destination qui fut certes moins attrayante, mais tout aussi révélatrice de la forte mobilité dont les Canadiens français ont fait preuve sur le continent, soit leur migration vers le Dakota du Nord. Il s’agira de situer cette migration dans un cadre d’analyse plus large, soit celui de la mouvance des Canadiens français, en expliquant en quoi diverses expériences migratoires, que ce soit à travers la traite des fourrures ou même le mouvement vers la Nouvelle-Angleterre ont pu avoir un impact sur celle qui s’est dessinée vers le Dakota du Nord. Nous tenterons aussi de préciser le rôle joué par les Métis et les Canadiens français dans la création et dans le développement de plusieurs communautés de la région, en retraçant leurs itinéraires et en soulignant leur intégration socio-économique.
Le Dakota du Nord constitue une région où la présence canadienne-française s’est articulée de manière différente, voire originale par rapport aux autres régions d’émigration. Cette région fut d’abord habitée par des Amérindiens et, avec le refoulement de la frontière de la traite des fourrures vers la fin du 19e siècle, a vu arriver un premier contingent de Canadiens français qui ont pris corps avec ces communautés autochtones, et qui , par le biais du métissage, ont créé des communautés dont le mode de vie était basé sur le commerce. Une deuxième vague migratoire à partir du Québec et d’ailleurs aux États-Unis, particulièrement de la Nouvelle-Angleterre, a pris forme vers 1880. Ces Canadiens français ont rejoint des communautés métisses, alors que d’autres ont été pionniers et se sont investis dans l’agriculture.
C’est dans ce contexte d’élargissement du domaine de recherche qui a été et continue d’être encore si dynamique et révélateur de la grande mobilité des Canadiens français sur le continent que ce projet de recherche propose d’examiner : la migration des Canadiens français vers le Dakota du Nord ; les lieux d’origine des migrants ; les itinéraires empruntés ; les réseaux migratoires qui lient le Québec, la Nouvelle-Angleterre, le Midwest, l’Ouest canadien au Dakota du Nord ; l’intégration économique des migrants ; l’intégration sociale des migrants et la création de communautés ; les institutions que les migrants ont mises en place ; les raisons du déclin de ces communautés.