Expériences et souvenirs de la migration acadienne le long de la rivière Wəlastəq | Saint-Jean, 1763-1814

Leanna Thomas (Université de Saint-Boniface)

Dans la plupart des cas, l’historiographie laisse entendre que la déportation des Acadiens a eu lieu pendant la guerre de Sept Ans (1755-1763), mais les récits de déplacements de familles et d’individus acadiens découlant de cet événement historique se poursuivent jusqu’au début du dix-neuvième siècle. Cette étude examine la réinstallation et la migration des Acadiens le long de la vallée de la rivière Wəlastəq | Saint-Jean entre 1763 et 1814. Elle comprend une analyse de la relation entre la littérature, les récits historiques et les archives lorsqu’il s’agit de connaître et de se souvenir des relations et de la mobilité des Acadiens pendant cette période. Au cours de la Révolution américaine, de la migration loyaliste, du déplacement des communautés Wəlastəkokewiyiks et de la guerre de 1812, les Acadiens de cette région ont exercé leur pouvoir, tout en étant liés à bien des égards aux structures coloniales britanniques de la politique, de la possession des terres et de l’économie, comme en témoignent leur travail et leur migration dans la vallée Wəlastəq.

            Cette étude s’appuie sur des travaux qui soulignent la complexité des relations entre la littérature, les récits historiques et les archives, en particulier pour les sociétés qui ont été forgées par le colonialisme et dont l’histoire est marquée par la tradition orale. En comparant la représentation littéraire de cette période avec les récits historiques dominants et les preuves archivistiques, cette étude comprend l’examen d’Un pélérinage au pays d’Évangéline (1887) de l’abbé québécois Henri-Raymond Casgrain et des ouvrages de l’historien anglophone W.O. Raymond. Parmi les autres textes examinés figurent des études des historiens John Clarence Webster et William Francis Ganong, ainsi que des œuvres littéraires des auteurs George Frederick Clarke, Antoine-J. Léger, Jules Boudreau et Antonine Maillet. Pour faciliter l’interprétation des récits littéraires et historiques relatifs à cette période, les recherches archivistiques comprennent des collections de contrats fonciers, dont beaucoup détaillent les raisons des pétitions acadiennes et fournissent des informations qui permettent de retracer leur migration vers d’autres régions du Canada atlantique.

            Ce projet examine ce qui est présent dans les archives, tout en réfléchissant aux vides, absences et silences existants, et considère les implications des récits historiques et littéraires. Elle examine la façon dont la dépossession et la migration des Acadiens le long de la rivière sont représentées et remémorées, tout en nuançant les significations de « location » et de « possession ». Cette étude mettra en lumière des individus et des événements qui sont souvent passés sous silence dans les récits historiques et littéraires de l’histoire acadienne et canadienne. En plus, elle va souligner les problèmes liés à la définition de 1763 comme étant la « fin » de la Déportation, puisque les Acadiens ont continué à subir des déplacements et des migrations tout en gérant leurs relations avec les colons britanniques, les Wəlastəkokewiyiks et les empires coloniaux.